Le monde comme magique chambre à gaz

par Serge Thion{1}NOTE 1_1

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Ce qui relie le gaz moderne aux armes magiques des contes et légendes, c'est son invisibilité et son omnipotence. On lui prête des pouvoirs effrayants et la terreur que suggère son usage vient de l'impossibilité de prédire son emploi. D'autres substances aussi magiques et mystérieuses sont sorties tout armées des cerveaux enfiévrés qui inventent la guerre moderne, et surtout son arme suprême, le palladium de nos empires: la propagande. Nous aurons vu ainsi surgir, pour un bref petit tour sur la scène médiatique, les mycotoxines (la pluie jaune), les chambres à gaz iraniennes, le sarin du métro de Tokyo, les fusées à gaz saddamites, les supposés trafiquants de germes, etc.

Récemment un magazine télévisé, produit par CNN et Time magazine, a affirmé que l'armée américaine avait utilisé du gaz sarin en septembre 1970 pour «nettoyer» un village laotien où s'étaient réfugiés des déserteurs de l'armée américaine. Un amiral en retraite a confirmé puis démenti. Ce qui frappe dans cette histoire, c'est encore une fois la crédulité de la presse. Certes, l'armée américaine a pratiqué l'atrocité à grande échelle comme moyen d'obliger des populations entières à se ranger sous son aile, ou plutôt sous celles de ses avions. Mais une histoire comme celle-ci a toutes les allures d'un bobard grotesque. Si quelques déserteurs ont jamais séjourné dans un «village laotien», ils ne devaient pas être nombreux. Pour confirmer cette ânerie, on a trouvé le général Singlaub qui a expliqué que la doctrine non écrite du gouvernement américain était que les déserteurs américains étaient plus dangereux que les Vietcong (Le Monde, 16 juin 1998). La presse semble ne pas se souvenir que Singlaub, un forcené de l'anticommunisme, était étroitement mêlé à l'Irangate et à la formation de corps de mercenaires chargés de combattre les sandinistes au Nicaragua. Pour le reste, son affirmation est imbécile: de nombreux déserteurs américains se cachaient dans les faubourgs de Saïgon et l'armée américaine s'en souciait comme d'une guigne.

Le fantasme des gaz ne date pas d'hier. L'historien vendéen Jacques Crétineau-Joly est l'auteur d'une justement célèbre Histoire de la Vendée militaire. dont la première édition remonte à 1840. Dans son tome I, il rappelle une correspondance du chef républicain de Saumur, nommé Santerre, écrivant au ministre de la Guerre le 22 août 1793: «Je n'approuve pas la levée en masse. Cela serait bien dangereux à cause des subsistances et des manoeuvres. Il vaudrait mieux distribuer cette levée dans les places et les postes... Des mines! des mines à force! des fumées soporifiques, et puis tomber dessus.»

«Des fumées soporifiques -- commente Crétineau-Joly qui ne connaît pas encore le XXe siècle -- invoquées par un soldat pour vaincre ses ennemis, cela ne s'était encore jamais vu, même dans l'histoire des peuples les plus cruels; et le Comité de sûreté générale et la Convention accueillaient cette horrible idée comme un moyen tout naturel d'en finir avec la Vendée! Et le 11 septembre 1793, Rossignol, renchérissant sur ces fumées soporifiques dont parle Santerre, ne craint pas d'avouer que, pour terminer la guerre, il faut avoir recours aux ressources de la chimie.

«Il serait à désirer en mesure générale, écrit-il au Comité de Salut public, que l'on envoyât près de cette armée le citoyen Fourcroy, membre de la Montagne, pour nous aider de ses lumières et enfin parvenir à la destruction des Brigands. C'est le sentiment d'un de vos frères et amis qui connaît son talent en chimie». [...] Pendant ce temps, les esprits travaillaient dans les états-majors révolutionnaires pour découvrir le secret chimique qu'on implorait de Fourcroy. Les généraux de la République et les Conventionnels appelaient autour d'eux les charlatans qui leur donnaient l'espérance d'un poison sûr et actif; et l'adjudant général Savary nous révèle dans ses Mémoires une des nombreuses tentatives qui furent faites à cette époque.

«Je me rappelle, dit-il, qu'un adepte, se prétendant physicien-chimiste, présenta, aux députés qui étaient à Angers, un bout de cuir rempli d'une composition dont la vapeur dégagée par le feu devait asphyxier tout être vivant fort loin à la ronde. On en fit l'essai sur des moutons, dans une prairie où se trouvaient quelques personnes que la curiosité attira vers le lieu de l'expérience, et personne n'en fut incommodé.»

Cette idée d'empoisonner en masse les Vendéens avait si bien germé dans toutes les têtes, qu'un pharmacien d'Angers, nommé Proust, inventa dans le même temps une boule qui, à l'en croire, contenait une préparation chimique si subtile et dont l'effet serait si prompt, qu'elle infecterait toute la contrée. L'essai en fut fait sur le pré de la Baumette. Il ne répondit pas à l'attente révolutionnaire» (Histoire de la Vendée militaire, I, p. 248-9). Les moutons durent attendre jusqu'en 1968 un essai de l'armée américaine: un changement de vent imprévu en tua 6400 d'un coup, en Utah.

La science de l'époque ne répondait pas à l'attente des chefs politiques. Il faudra attendre 1915. Mais les quelques mois dans la guerre des gaz qui sévit alors allaient montrer aux chefs militaires qu'elle était d'un emploi très délicat. En fait, pour l'utiliser sur un champ de bataille, il faut que le commandement soit prêt à sacrifier une partie de ses propres troupes, au cas où les vents changent de direction. Â part quelques cas connus et répertoriés, comme les Egyptiens au Yémen et les Irakiens face aux Iraniens, l'efficacité des gaz a surtout été dans l'ordre psychologique. Toutes les grandes armées du monde ont des départements «Guerre chimique et bactériologique»; ils dépensent des sommes considérables pour des recherches, imités de celles de la Convention, et pour des stocks de produits dangereux, mais ils ne s'en servent jamais. Le sarin et quelques autres gaz aux effets foudroyants sur le système nerveux avaient été découverts par la chimie allemande et se trouvaient dans les stocks de l'armée allemande. Hitler, ancien gazé, n'a pas ordonné, même en pleine déroute, de les utiliser. Churchill avait fait élaborer par son cabinet un projet consistant à noyer les villes allemandes sous un déluge de gaz mortels, mais il n'a pas donné suite à cette brillante idée. Les techniques de fabrication de ces gaz innervants étaient en possession de maîtres de l'apartheid, en Afrique du Sud. Ils n'en ont jamais fait usage et lorsqu'ils ont vu leur régime sombrer, ils ont fait détruire les armes atomiques clandestines qu'ils avaient construites avec les Français et les Israéliens. Je ne sais ce qu'il est advenu des armes chimiques.

Au début de l'année 1998, nous sommes passés à deux doigts d'une nouvelle attaque de l'aviation américaine sur l'Irak. Une réprobation générale et l'astuce diplomatique du secrétaire général des Nations Unies, Koffi Anan (marié à une Wallenberg, cette famille d'industriels suédois qui a fait fortune dans les fournitures militaires) a permis de frustrer les guerriers séniles qui s'agitent sur la Colline -- à Washington. Mais on a assisté encore une fois à la préparation des opinions publiques par l'emploi du fantasme des gaz. On se souvient du spectacle grotesque qu'offraient les Israéliens en 1991 aux caméras de toutes les télévisions. Une nouvelle panique a été instaurée par les autorités israéliennes grâce à de judicieuses distributions de masques à gaz. On a peut-être un peu oublié, sous nos climats, que des masques à gaz avaient aussi été distribués aux populations civiles françaises vers 1940-43, en nombre également insuffisant. Quel enfant aurait négligé, à cette époque, de s'affubler de ces monstrueux groins de caoutchouc pour faire peur à tel petit frère ou cousin en visite?

C'est ainsi que la presse mondiale fut saisie d'une affaire d'armes biologiques: «On les attendait en Irak, voilà qu'elles apparaissent à Las Vegas» (Le Monde, 21-02-98) Le FBI venait d'arrêter deux hommes qui avaient «de dangereux agents biologiques et chimiques» dans leur voiture. «L'information a été aussitôt répercutée sur toutes les télévisions du pays, au moment où les dirigeants américains sont lancés dans une grande campagne d'explication de leur politique irakienne. L'affaire encore très floue jeudi soir, a fourni l'occasion de mettre l'accent sur les dangers des armes biologiques et chimiques, que Saddam Hussein est accusé de faire proliférer sur son territoire.» (Idem) Une «information d'origine indéterminée» mentionnait un projet d'attentat à l'arme biologique dans le métro de New York. La journaliste, Sylvie Kauffmann, malgré le baratin habituel de la «déontologie» des plumitifs, répercutait cette information qui était fausse à l'évidence même. C'est ainsi qu'on construit une représentation fantasmatique d'une sorte de super-chambre à gaz: le métro tout entier noyé de gaz mortel... Un lieu où tout un chacun passe un jour ou l'autre... La mort irrémédiable, silencieuse et invisible... Il semble d'après un bref écho dans la presse, que «le» responsable japonais, membre de la secte Aum, auteur de ce qui est présenté, non sans quelques hésitations, comme un attentat au gaz sarin dans le métro de Tokyo, a été condamné. Pour des raisons que j'ignore, ce procès n'a fait l'objet d'aucun compte rendu dans la grande presse. Quelles que soient les raisons de cet étrange mutisme, il est certain que ce procès n'a pas apporté à la propagande des États ce qu'ils semblaient en attendre au moment des «faits» et des arrestations opérées dans cette «secte».

Quelques jours après cette énorme «annonce» dans la presse américaine, il fallut déchanter, plus discrètement. «Le "dangereux» agent bactérien en possession duquel deux hommes ont été interpellés la semaine dernière à Las Vegas s'est révélé être un inoffensif vaccin vétérinaire contre le bacille du charbon. [...] Le FBI n'a exprimé aucun regret sur la manière alarmiste dont l'affaire a été présentée jeudi. «Nous avons réellement pensé et nous pensons encore aujourd'hui que nous étions fondés à percevoir un danger pour la communauté», a déclaré Bobby Siller, l'un des responsables de l'enquête. Les motivations des médias américains, qui ont poussé bien plus loin la dramatisation de l'affaire, ont sans doute été moins nobles. [La noblesse du FBI??? Cela interpelle quelque part, comme ils disent.] Ayant engagé de très gros moyens en vue de la couverture d'une éventuelle intervention américaine en Irak, les télévisions ont fait feu de tout bois en attendant que l'action commence. L'occasion de lier ces deux arrestations à la menace que constitue la prolifération des armes biologiques et chimiques -- l'un des principaux griefs de l'administration américaine contre Saddam Hussein -- a donc été saisie au vol» (Le Monde, 24-02-98). Ce qui n'a pas été saisi au vol, c'est l'occasion qu'avait la journaliste du Monde de nous expliquer comment et pourquoi elle diffusait des fausses nouvelles manifestes, sans le moindre souci de «vérification», «recoupement» et autres simagrées derrière lesquels les journalistes se cachent quand on les prend, jour après jour, à se faire les porte-coton serviles des puissants de ce monde.

Quant aux armes chimiques et bactériologiques prêtées aux Irakiens, il convient de revenir aux origines. J'ai eu l'occasion d'en traiter dans un article qui est paru, à l'enseigne des Balayeurs du Golfe, dans le numéro 1 de la Gazette du Golfe et des banlieues, dans les tout premiers jours de la guerre du Golfe en février 1991. Je n'y change pas un mot.


Plus toxique que les gaz, le cynisme!
Des millions de gens vivent actuellement, au Moyen-Orient, dans l'attente des sirènes hurlantes qui les précipiteront sur leur masque à gaz. Ils s'enfermeront, s'ils le peuvent, dans une pièce calfeutrée, en attendant que l'alerte soit terminée. Même à New York, les masques à gaz se vendent à la pelle. Ces craintes se sont, à ce jour, révélées fausses. En réalité, les responsables savent très bien qu'il n'y a rien à craindre. Au cours des mois précédents, tous les services de renseignements, y compris le Mossad et la CIA, ont fait savoir qu'ils ne croyaient pas les Irakiens capables de fabriquer des têtes chimiques pour leurs missiles Al Hussein (Scud modifiés). Ces jours derniers, le général Schwarzkopf, commandant en chef américain sur le théâtre des opérations, et le général Schmitt, chef d'état-major français, ont également affirmé qu'ils ne croyaient pas à cette possibilité. D'un côté donc, les techniciens du renseignement militaire tiennent cette menace pour inexistante, de l'autre les politiques en font un usage quotidien et massif en renforçant, par leurs consignes de sécurité, la terreur d'une population à qui le savoir des techniciens n'est pas retransmis. Dans tous les dictionnaires cela s'appelle un mensonge. Il se trouve que la question des gaz a presque toujours été immergée dans un océan de mensonges. On comprendra pourquoi avec ces quelques rappels. Les gaz sont une arme terrifiante parce qu'ils sont invisibles. On les a utilisés massivement au combat pour la première fois lors de la première guerre mondiale, le 22 avril 1915. Plusieurs dizaines de milliers de soldats périrent ainsi, et beaucoup d'autres en subirent les effets plus ou moins prolongés. Il existe plusieurs familles de gaz de combat: les unes agissant en bloquant la respiration, d'autres par contact cutané. Selon les concentrations, ils tuent en quelques secondes ou en quelques jours. Il existe des moyens de protection, et s'ils sont apportés rapidement, des soins qui permettent de sauver les personnes atteintes. Il faut noter que, depuis 1918, ces armes ont été très rarement utilisées par peur, sans doute, de la réciprocité, et aussi parce qu'elles sont d'un emploi très délicat. Â côté de cela, les Américains ne se sont pas privés d'employer massivement des gaz défoliants, sans souci des effets secondaires sur les êtres humains. Â plusieurs reprises, depuis 1922, des conférences internationales ont tenté de prohiber ou au moins de réglementer la fabrication et la détention des armes chimiques, sans grand succès. La plupart des pays sont signataires de la Convention de Genève de 1925, toujours en vigueur.

On nous parle aussi de guerre bactériologique. Ce serait la possibilité de répandre, chez l'adversaire, des germes pouvant provoquer des épidémies. Il y a certes des recherches intensives sur ce sujet, mais une telle guerre n'a jamais eu lieu. Pendant la guerre de Corée, les nordistes ont accusé les États-Unis, mais les preuves n'étaient pas solides et n'ont pas emporté l'adhésion des scientifiques indépendants. Le concept même de guerre bactériologique est un mythe de science-fiction, impraticable sur le plan strictement militaire, mais soigneusement entretenu par les états-majors. On manque rarement d'attribuer à l'ennemi du moment les plus noirs desseins, et c'est pourquoi l'on voit ressurgir aujourd'hui le spectre de la guerre bactériologique. C'est de la pure propagande de guerre, disponible d'ailleurs pour chaque côté.

La guerre chimique, en revanche, existe. Elle est prévue. Toutes les grandes armées ont des stocks, et même les moins grandes: les armées d'Afrique du Sud et d'Israël, par exemple, ont aussi les leurs. Son importance est surtout politique.

Comme ces armes sont particulièrement terrifiantes, sournoises, invisibles, parfois indétectables par les sens, il pèse sur elles une forte condamnation morale. Comme si, étrangement, la haute technologie de cette nouvelle forme de guerre avec la programmation, seconde après seconde, de ces tonnes de missiles lancés à vingt kilomètres de distance des cibles civiles autant que militaires était plus noble, moins sale, que l'emploi des armes chimiques. Dans les deux cas, ce sont des armes devant lesquelles les civils et les combattants ne peuvent réagir: ils sont condamnés à mourir ou à s'en sauver par miracle, mais dans les deux cas passivement.

L'enjeu politique vise donc à accuser l'ennemi de produire ces armes, preuve de sa profonde inhumanité et du danger qu'il représente. Autant on peut justifier devant l'opinion publique la construction d'un porte-avions, ou la fabrication des canons qui devront assurer la défense nationale, autant il est délicat de faire prendre la décision de produire des armes chimiques. On les présente toujours comme «défensives», en affirmant qu'on ne les utilisera pas en premier. Il faut donc recourir à des ruses compliquées, dont voici le plus bel exemple récent.

Vers 1979, les Américains qui avaient cessé, depuis dix ans, de fabriquer des armes chimiques, dont ils possédaient alors des stocks considérables, voient le Viêt-Nam envahir le Cambodge, et l'URSS, l'Afghanistan. Ils réagirent en accusant les Soviétiques et leurs alliés d'utiliser subrepticement des gaz toxiques d'un genre nouveau, porteurs de neurotoxiques foudroyants, les mycotoxines. C'est ce qu'un livre, commandité par la CIA et signé d'un journaliste, Sterling Seagrave, nomma la «pluie jaune». La presse américaine, puis mondiale, fut bientôt arrosée de cette pluie-là. Les Nations unies s'émurent, demandèrent un rapport scientifique qui, en 1981, en déduisait qu'il était impossible de conclure quoi que ce soit. En mars 1982, le général Haig, Secrétaire d'État, présenta un rapport au Congrès qui donnait les «preuves» en sa possession, la principale pièce à conviction consistant en feuillages ramenés d'un village du Cambodge. Les Balayeurs du Golfe, qui balayaient le Golfe du Siam à cette époque-là, savaient très bien comment le Dr Amos Townsend, médecin lié à l'ambassade américaine de Bangkok, avait soudoyé deux membres américains de l'aide humanitaire pour qu'ils pénètrent au Cambodge et aillent se procurer à dos d'éléphant les éléments que devaient leur remettre le «service de santé» des bouchers khmers rouges lancés dans une violente guerre de propagande avec Hanoi. Les conditions de transport et de conservation rendaient ces échantillons sans valeur aux dires mêmes de ceux qui les transportèrent. Mais Haig multipliant partout les interventions, en fit une affaire mondiale. Les conclusions des laboratoires de l'armée américaine furent vivement contestées et des scientifiques indépendants se penchèrent alors sur la question des mycotoxines.

La presse occidentale redoublait d'accusations contre les Soviétiques. La «pluie jaune» s'infiltrait partout, jusque dans les pages des Temps Modernes. Au moment où cette controverse faisait rage (provenant du fait que les Américains étaient dans l'incapacité de fournir une preuve décisive du fait que les mycotoxines auraient une origine non naturelle), le président Reagan demanda le 8 février 1982 au Congrès l'autorisation de reprendre la production d'armes chimiques, face à la «menace soviétique», autorisation qui lui fut d'autant plus facilement accordée (avec 130 millions de dollars) qu'il s'agissait de fabriquer des armes de conception nouvelle, des gaz innervants très puissants, sous forme «binaire»: deux récipients, contenant chacun un gaz théoriquement inoffensif, qui se mélangent au moment de l'emploi pour former ensemble le principe mortel. Une fois la décision prise, non sans de fortes réticences au Congrès, la controverse s'éteignit doucement et la communauté scientifique s'est depuis tranquillement convaincue que la «pluie jaune» consistait en excréments d'abeilles sur lesquels s'était développé un micro-champignon toxique, fusarium nivale, et que tout cela était parfaitement naturel. La preuve définitive que la «pluie jaune» était un mythe répondant à un besoin passager, qu'il était entièrement fabriqué et manipulé par la CIA, se trouve dans le fait qu'il n'a pas ressurgi depuis et que personne n'a songé à le coller aux chausses du nouveau Satan, Saddam Hussein.

Pendant la deuxième guerre mondiale, les gaz ont été assez rarement utilisés: les Italiens en Ethiopie, les Japonais en Mandchourie, mais dans l'ensemble la peur des représailles a joué. Les Alliés trouvèrent en Allemagne 30.000 tonnes de tabun, un neurotoxique nouveau, que Hitler a renoncé à utiliser. On a retrouvé dans les papiers de Winston Churchill une instruction secrète du 6 juillet 1944 adressée à l'état-major: «C'est peut-être dans quelques semaines ou même quelques mois que je vous demanderai d'inonder l'Allemagne de gaz toxiques, et si nous le faisons, faisons-le à cent pour cent. En attendant, je veux que cette affaire soit étudiée de sang froid par des gens raisonnables et non par cette sorte de défaitistes en uniforme qui passent leur temps à chanter des psaumes». Voilà pour la guerre du Droit contre la Barbarie.

Depuis la deuxième guerre mondiale, en dépit des préparatifs intenses et des stocks énormes accumulés par les Soviétiques, les Américains, les Français et d'autres, on n'a pratiquement pas utilisé les gaz toxiques, mais seulement des gaz qui ne deviennent toxiques qu'à haute concentration dans des endroits clos, comme les gaz CS, lacrymogènes, en Algérie et au Viêt-Nam. Des milliers d'hommes en sont morts.

Mais le seul État qui ait fait un usage ponctuel mais récurrent des gaz de combat, essentiellement l'ypérite, ou gaz moutarde, a été l'Irak. D'abord, au cours de la guerre contre l'Iran. Dès 1984-85, les Irakiens, dont les forces mécanisées reculent sous la pression de l'infanterie iranienne, recourent au gaz pour stopper les offensives adverses qui commencent à déferler en territoire irakien, dans les marais du Shatt el Arab. La presse traite ces informations avec des pincettes, comme s'il s'agissait d'un nouveau truc de la propagande khomeyniste. Le 23 mai 1985, l'ambassade d'Iran paie dans Le Monde un pathétique placard publicitaire: «Toute personne qui pour des raisons strictement humanitaires serait en mesure de communiquer des informations pouvant contribuer à lutter contre les effets des gaz toxiques et des armes chimiques est priée de prendre contact avec l'ambassade. Toute idée, toute mesure, toute contribution d'ordre scientifique ou d'ordre moral et humanitaire susceptible d'améliorer le sort des personnes atteintes seront bienvenues.» Certains gestes suivront, et quelques victimes des gaz seront même traitées en France. Mais la communauté internationale se tait. Personne ne songe à envoyer des masques à gaz.

Forts de cette impunité, les Irakiens ont continué. Le 22 mars 1988, l'aviation irakienne gaze six villages kurdes en Iran. C'est ce que Le Monde évoque diplomatiquement en disant que «le risque de l'emploi anarchique des armes chimiques est de plus en plus répandu»; mais il ne parle pas de «l'emploi anarchique» des Mirage F1. On note seulement que les Irakiens ont complété leur technique de production «en acquérant certaines technologies de complément auprès de sociétés privées en Allemagne Fédérale, aux États-Unis, en Italie et en Grande-Bretagne». Les Nations unies s'émeuvent et l'opinion internationale se gratte la tête. Au cours de l'année 1988, les rapports de l'ONU, d'Amnesty International et d'autres se multiplient. Halabja est rayé de la carte en mars. Néanmoins, les Nations unies ne condamnent pas Baghdad. Au Conseil de Sécurité, on est attentif au fait que les Iraniens et les Irakiens vont entamer des pourparlers et que l'on ne peut pas pratiquer une «asymétrie défavorable à l'Irak». Si l'Irak a ainsi pu continuer à utiliser cette arme interdite (Baghdad a signé la Convention de Genève en 1925) sans jamais avoir été condamné dans aucune instance internationale, c'est que l'Occident, toujours soucieux de le soutenir dans sa guerre contre l'Iran, s'y est fermement refusé. Les Israéliens n'ont rien dit non plus à ce moment-là. Il y a donc eu complicité.

L'horreur devient encore plus visible en septembre 1988 quand des milliers de Kurdes se réfugient en Turquie. Des journalistes parviennent à la frontière: «Des centaines de villages ont été détruits au napalm, des familles entières massacrées et la zone littéralement aspergée de gaz chimiques», écrit Renaud Fessaguet (Le Monde, 13 septembre 1988). Le Sénat américain condamne cette «grave violation des lois internationales». M. Shultz annonce qu'en «cas de récidive», les relations entre Washington et Baghdad en seraient «affectées». Et puis tout retombe. La Turquie refuse l'envoi d'une mission d'enquête internationale. Cinq des six pays membres du Conseil de Coopération du Golfe apportent leur soutien à Baghdad, où l'on s'interroge sur les raisons de la colère verbale américaine alors que les gazages précédents n'avaient provoqué que le silence des États-Unis.

Il y a effectivement quelque chose que les Irakiens ne comprennent pas. C'est qu'à l'instant où se termine la guerre entre eux et les Iraniens, ils ne valent plus un clou et on peut les jeter à la poubelle. Leur rôle historique de mercenaires de l'Occident est terminé. Les Irakiens ont eu 300.000 morts qui ne comptent plus puisqu'ils ne semblent plus décidés à continuer à alimenter les charniers. Du coup, la force militaire qu'ils ont accumulé pour saigner l'Iran doit être démantelée car Israël, qui l'a acceptée dans l'espoir que l'Iran et l'Irak étaient partis pour une guerre de cent ans qui les épuiseraient l'un et l'autre totalement, ne veut pas que subsiste, au terme de ces affrontements, une véritable force militaire arabe. L'État d'Israël a eu pour doctrine constante l'affaiblissement et la division des pays arabes. En cela, les États-Unis reprennent la politique d'Israël.

Dès lors, et après que les Irakiens ont cessé d'employer les gaz, la campagne contre l'Irak va commencer à se développer. Les Israéliens poussent à la roue. On va parler de plus en plus de l'arme chimique comme du «nucléaire du pauvre», bien que ces deux armes n'aient évidemment rien à voir, les gaz étant toujours d'un emploi difficile, très limité dans le temps et l'espace. Dans plusieurs cas, les attaques chimiques n'ont pas très bien réussi et les Iraniens ont réussi à sauver presque toutes les victimes civiles. Les Irakiens, chacun le sait, doivent «délivrer» leurs munitions chimiques par avion ou par hélicoptère. Ils ont aussi des obus de canon. Néanmoins, cette idée de «nucléaire du pauvre» va faire son chemin: en dehors de toute réalité pratique, elle introduisait la notion d'un équilibre de la terreur entre Israël, doté, lui, du «nucléaire du riche», de belles et bonnes bombes H, et les pouilleux des bords du Tigre, avec leurs bonbonnes de gaz moutarde, une invention remontant à 1915. Aussi idéologique soit-elle, cette idée de «nucléaire du pauvre» a manifestement joué un rôle important dans la décision de détruire l'Irak. Dès les premiers jours, les Américains se sont d'ailleurs vantés d'avoir détruit toutes les installations «chimiques» du pays, y compris une usine de lait en poudre, qualifiée par le Pentagone de particulièrement dangereuse.

Pendant ce temps-là, les Américains s'étaient lancés dans la fabrication à grande échelle des armes binaires. Le Congrès avait voté des sommes très importantes mais à la condition que les alliés de l'OTAN ne fassent pas d'objection. Il a donc fallu leur forcer la main (Le Monde du 24 mai 1986: «Les alliés de l'OTAN ont approuvé du bout des lèvres la modernisation des armes chimiques»). Pendant que, de son côté, le gouvernement Chirac prenait le plus discrètement possible l'initiative de lancer la France à son tour dans la production des armes binaires, les Soviétiques prenaient tout le monde de court en déclarant qu'ils décidaient unilatéralement de mettre fin à la production d'armes chimiques et d'entamer la destruction de leurs stocks.

Depuis des années, les négociations piétinaient entre Américains et Soviétiques, principalement parce que le Pentagone n'était pas du tout disposé à se dessaisir de cet armement. Le geste des Soviétiques allait le prouver. Il allait aussi permettre à Mitterrand de se livrer à l'un de ses habituels tours d'illusionniste. En janvier 1989, il convoquait une vaste conférence internationale sur l'interdiction des armes chimiques. Cent vingt-quatre pays ont signé une déclaration, qui n'est pas un traité et qui donc ne les engage pas réellement. Cette déclaration, purement morale et politique, ne remplace pas le traité de Genève de 1925, dont beaucoup de puissances, comme les USA, la France et d'autres, se sont affranchies en se réservant le droit d'user des armes chimiques en guise de représailles. Mais ce qu'il importe de souligner, c'est que les Irakiens étaient là, goguenards, affirmant même qu'ils «n'exporteraient pas leur savoir-faire» dans ce domaine. Pas un mot désobligeant n'a été prononcé à leur encontre. Pas une allusion dans les propos d'autosatisfaction de Mitterrand. Seuls, les Iraniens ont vainement protesté contre cette hypocrisie et les Kurdes ont été proprement fichus à la porte.

C'est ainsi que les attaques massives par les gaz, menées par les Irakiens, ont été tranquillement entérinées par une communauté internationale qui a trouvé ça très bien tant que les victimes étaient iraniennes ou kurdes.

La guerre chimique ne marche bien que sur des populations civiles impréparées. Dans le cas présent, et sur le front militaire, les Irakiens, qui s'en serviront peut-être, n'en retireraient certainement aucun avantage décisif et rien ne permet de dire que les Occidentaux n'en useraient pas à leur tour. Â la télévision, le général Saulnier, ancien chef d'état-major, l'a préconisé et les journalistes américains ne semblent pas avoir pensé à poser la question aux chefs militaires qui les cornaquent.

On aura compris que l'arme chimique est surtout utile comme menace et comme pression psychologique. En l'occurrence, ce sont surtout les dirigeants israéliens qui ont su en faire bon usage. La terreur dans laquelle ils ont obligé leur propre population à vivre est une affaire qu'ils ont jugée comme rentable politiquement et financièrement (les Allemands en savent quelque chose qui ont dû payer en Patriots et en dollars). Comme la crédibilité d'une attaque par des Scud à tête chimique diminue d'elle-même chaque jour, le chef de l'aviation israélienne évoque ce matin l'éventualité, encore beaucoup plus improbable pourtant, d'un avion irakien qui parviendrait à franchir la défense aérienne pour jeter ses containers sur Israël. La manþuvre s'effiloche et sombre dans le grotesque.

Enfin, on ne peut pas exclure du champ de la réflexion le fait que cette «menace» chimique, pour ne pas dire chimérique, pourrait servir à justifier le recours à l'arme nucléaire contre l'Irak. Il faut savoir -- c'est un fait -- qu'on en parle dans les états-majors et que cette option fait dorénavant partie des possibilités envisagées par des gens «raisonnables et de sang froid». Une guerre, personne ne sait d'avance comment elle va tourner. On sait comment elle commence, personne ne sait comment elle se termine.

Les Balayeurs du Golfe, le 10 février 1991

§2.-- Guerre chimique ou guerre chimérique?

Les Français ont toujours été discrets sur la question des armements chimiques. Au point qu'il a fallu attendre le 23 octobre 1997 pour avoir des nouvelles dans la presse (d'abord dans Le Nouvel Observateur, puis dans Le Monde, à cette date) sur une «base chimique secrète» que la France aurait conservée en Algérie jusqu'en 1978, soit seize ans après l'indépendance. Cette base dénommée, dit-on, «B2-Namous» existerait depuis 1935. Il y aurait eu des accords secrets signés en 1962, 1967 et 1972 par un gouvernement algérien «indépendant» (les guillemets semblent de rigueur ici) et le gouvernement français, discrètement attaché à un armement chimique dont personne n'entendait parler. Le Monde, pris d'une crise de vertu, rappelle que les expérimentations de 1935 n'étaient pas «en violation de la loi internationale» qui, astuce suprême, réservait aux États adhérents de la convention de Genève de 1925 «la possibilité d'en user pour riposter à une agression. Il faudra attendre 1972 pour qu'une nouvelle convention internationale interdise de fabriquer et de stocker des armes biologiques ou à toxines. Mais la France ne l'a ratifiée qu'en 1984. D'autre part, c'est en 1993 que la France, qui a participé quatre années durant à sa préparation, a adhéré à la convention signée à Paris et interdisant de mettre au point, de fabriquer, d'acquérir, de stocker et de transférer des armements chimiques. Ce nouveau traité est entré en application en avril 1997. La France l'avait ratifié officiellement le 2 mars 1995.» [...] «Â la conclusion de la convention de 1993, qui donne un délai de dix ans pour la destruction des stocks, la France était supposée détenir 2.000 tonnes de produits chimiques, contre 31.000 tonnes pour les États-Unis et de 40 à 200.000 tonnes, selon les sources, pour la Russie» (Jacques Isnard, dans Le Monde du 23 octobre 1997.)

L'accord avec les autorités algériennes permettait à des centaines de militaires français de travailler sur ce «site secret» sous la couverture d'une filiale de la société Thomson, qui confirme ainsi son rôle de feuille de vigne des services secrets.

Cette base secrète ne l'était que pour de vertueux journaleux. Les révisionnistes, apparemment toujours bien informés, en avaient connaissance depuis longtemps. Elle est décrite en effet dans un charmant récit d'Albert Paraz, intitulé Le Lac des songes, paru aux éditions du Bateau ivre, à Paris, en 1945, republié au 1950 aux éditions bressanes, en même temps que Le Mensonge d'Ulysse, de Paul Rassinier, préfacé par le même Paraz; réédité en 1986 aux très estimables éditions du Lérot à Tusson. Albert Paraz a été mobilisé le 31 août 1939. Comme il était classé «chimiste», il a été versé à la 104e Compagnie chimiste du 22e B.O.A. et envoyé à «Beni-Bouzid» qui «prolonge la palmeraie de Figuig», une région qui allait donc être disputée les armes à la main par le Maroc et l'Algérie devenus indépendants.

Paraz donne, en 1945, une indication intéressante: «On savait, par les anciens, que ce champ d'essai comprenait plus de cent kilomètres de plaine entièrement balisée, coupée d'un damier de deux cents routes à angle droit, distantes l'une de l'autre d'un kilomètre. On avait vu grand parce que les travaux récents laissaient entendre qu'on allait mettre au point [en 1939] une arme utilisant l'énergie enfermée dans l'atome, dont les effets pourraient s'étendre à des surfaces de cet ordre.» (p. 124-125). Il y avait donc des salopards qui préparaient la bombe bien avant la guerre puisqu'ils avaient déjà fait baliser le futur terrain d'expérimentation. La bombe française n'explosera que beaucoup plus tard, en 1960, à Reggane, à quelques centaines de kilomètres à l'est de «Beni-Bouzid». Il est d'intéressantes continuités.

Que faisaient-ils là? «Un jour, les hommes furent réveillés à une heure du matin pour aller à la base 3, à 20 kilomètres. Le premier travail qui fut confié à ces jeunes savants après quatre mois de flemme, consistait à répandre, sur des routes balisées, de grands carrés de papier blanc tous les cent mètres. Ils se coiffaient d'une cagoule en caoutchouc qui leur donnait des airs de pénitents ou de fantômes. Des avions arrosaient le terrain avec de l'ypérite. Les hommes ramassaient les carrés de papier. On les entassait dans des camions et on les ramenait au camp. Là, on comptait le nombre de gouttes au mètre carré, travail d'autant plus irritant qu'on aurait pu faire ça au Bois de Boulogne en jetant de l'encre au lieu de produits toxiques, mais c'eût été moins cher et surtout moins mystérieux.» (p. 257) «Un jour, le colonel fit faire un nuage de phosgène de huit kilomètres de long, deux de large, et qui montait à vingt mètres au dessus du sol. Tous les Français qui ont leur certificat d'études savent qu'un litre d'air pèse 1 gr. 293. Ce nuage pèse donc, quatre cent millions de kilogs, quatre cent mille tonnes.» (p. 258).

Albert Paraz, ami de Céline et de Rassinier, a réuni tout ce qu'il fallait pour se faire détester de notre époque marquée par le rigorisme timoré et l'exaltation de l'ignorance imbécile. Comme il l'a fait avec verve et talent, il restera impardonnable encore longtemps. Les révisionnistes le placeront avec toute la goguenardise voulue dans leur galerie des ancêtres.

Les gaz avaient traumatisé une génération, celle qui avait fait la guerre de 14. Les suivantes ont transformé la guerre des gaz en une fantasmagorie terrifiante et multiple. Alors que Paraz fait dire à un de ses personnages: «Vous savez bien que les histoires de gaz c'est de l'amusette puisqu'on les connaît à fond depuis 17», les Allemands étaient moins enclins à traiter ce danger «comme de l'amusette». Hitler lui-même, comme beaucoup d'autres, avait subi les gaz pendant la guerre. On ne s'étonnera donc pas de voir que des précautions importantes ont été prises par les Allemands à la veille de la guerre pour créer des lieux étanches et équipés afin de mettre les populations à l'abri en cas d'attaque aérienne par les gaz, dont la probabilité devait apparaître aux yeux des dirigeants de l'époque comme beaucoup plus grande que ce que nous savons après coup. Nous savons que les gaz n'ont guère été utilisés mais il est vraisemblable que les protagonistes devaient considérer comme pratiquement certain que l'adversaire, lui, aurait recours aux gaz à un moment ou à un autre.

Un chercheur américain, qui répond au pseudonyme de Samuel Crowell, reprenant des éléments épars dans la littérature sur les camps et puisant surtout dans la documentation technique issue des préoccupations des autorités allemandes en matière de défense passive et de protection civile, a montré que de très nombreuses structures construites avant la guerre avaient été équipées avant et pendant la guerre de portes étanches aux gaz. Beaucoup de ces abris anti-aériens étaient donc pourvus de moyens de protéger les réfugiés des attaques aux gaz que l'on imaginait alors plus massives et plus violentes que celles de la guerre de 14, qui étaient restées limitées à certains secteurs du front. En particulier certains édifices qui se trouvaient dans les camps de concentrations ont été ainsi adaptés au besoin d'abris anti-aériens et dotés de portes étanches. Des points d'eau situés près de l'entrée servaient aussi de sas de décontamination. Des attaques au gaz étaient nécessairement conçues comme étant d'une durée limitée. Les personnes réfugiées dans les abris devaient attendre quelques heures avant de ressortir, avec prudence. Crowell fournit ainsi une explication générale satisfaisante à quelques cas de portes étanches signalés par Pressac et demeurés sans destination bien nette jusque là.

On trouvera un exposé complet et une discussion des données rassemblées par Crowel sur le site du CODOH, en langue anglaise, <www.codoh.com>. Il faut voir dans la prolifération véritablement européenne de ces abris étanches aux gaz une nouvelle dimension de la mythologie galopante qui travaillait tous les dirigeants de cette époque. Â cette arme invisible par excellence est venue s'ajouter, dans les années 50, la radiation atomique; on assista alors à une furieuse vague de construction d'abris anti-atomiques. Il doit bien en rester quelques uns dans les jardins des banlieues riches.

Sur le rôle de puissant promoteur de légendes joué par les gaz, on a des expériences quotidiennes. La télévision parlait encore tantôt de Saddam Hussein, de ses armes chimiques supposées et des 5000 morts qu'aurait faits l'attaque de la ville de Halabja en 1988. Ce chiffre est une invention de la presse à laquelle elle semble tenir, comme le vautour à son oeuf.

Dans la Gazette du Golfe et des banlieues n° 5, de juin 1991, j'avais rédigé un petit commentaire qui parlait des inventions de la propagande de guerre des soi-disant Alliés, en particulier cette crétinerie télévisuelle qui prétendait que les Irakiens avaient débranché les couveuses artificielles qui fonctionnaient dans les hôpitaux koweitiens:


Petit commentaire de la Gazette

Il faut rappeler que cette absurde histoire de couveuse a été très tôt dénoncée par certains comme de la propagande de guerre et que Jean-Edern Hallier a ramené d'Irak, et publié dans l'Idiot International, des documents des autorités hospitalières de Koweit-City qui montraient que toute cette histoire était un canard, voluptueusement avalé par la grande presse qui en a fait un abondant usage.

Il est un second point à souligner. Amnesty International justifie le fait qu'elle a avalé la couleuvre par référence à d'autres atrocités commises par les militaires irakiens, à d'autres époques et dans un autre contexte, en particulier le gazage massif du bourg de Halabja en 1988, bien que le rapport entre les deux histoires soit loin d'être évident. Nous avons nous-mêmes parlé de ce gazage dans le n° 1 de la Gazette, page 6, dans un article daté du 10 février, où nous affirmions qu'il ne pouvait pas y avoir d'attaque au gaz sur Israël et que toutes ces histoires de masque à gaz étaient une comédie politique. [Voir ici plus haut] En ce qui concerne Halabja, nous écrivions, après avoir mentionné des rapports de l'ONU, d'Amnesty International et d'autres : «Halabja est rayé de la carte en mars» (1988).

Nous n'avons pas voulu, à ce moment-là, entrer dans les détails. Il pouvait sembler que cette histoire appartint au passé. Mais il est clair que dans l'exode où se sont lancés deux millions de Kurdes, la crainte d'un nouveau Halabja, d'un gazage massif venu du ciel, a joué un rôle déterminant. De très nombreux réfugiés en ont témoigné. Il n'est par conséquent pas inutile de rappeler que dans une étude, déclassifiée et rendue publique au cours de l'été 1990, intitulée «Iraqi Power and US Security in the Middle East» et rédigée avant l'invasion du Koweit, trois analystes de l'École de guerre américaine (US Army War College) ont examiné de très près le comportement de l'armée irakienne au cours du conflit avec l'Iran et ont écrit: «Les affirmations selon lesquelles (les Irakiens) ont gagné en utilisant simplement de grandes quantités d'armes chimiques ne sont appuyées sur rien». En ce qui concerne, pour la même période, l'utilisation des gaz contre les Kurdes, les auteurs concluent: «Ayant pris en considération tous les éléments de preuve qui sont à notre disposition, nous jugeons impossible de confirmer les propos du Département d'État prétendant que les gaz avaient été utilisés dans ce cas-là». Et ils ajoutent: «Pour commencer, on n'a jamais montré aucune victime». Tout cela se trouve rapporté dans l'International Herald Tribune du 19 décembre 1990.

En effet, tout le monde a vu, à la télévision, quelques images, données comme ayant été tournées à Halabja, montrant quelques corps étendus dans une rue, en particulier celui d'un vieil homme, tenant un enfant dans ses bras. Mais 5.000 corps, on ne les a pas vus. Serait-ce un nouveau Timisoara? Il fallait enquêter sur place.

Or justement un soi-disant grand reporter a enquêté récemment à Halabja. Marc Kravetz rend compte de son séjour dans Libération daté du 8 avril 1991. Certains réfugiés revenaient à Halabja et Kravetz les a interrogés sur les événements du 16 mars 1988. Dans le récit des circonstances, Kravetz ne cesse d'accumuler les contradictions: il dit que le bombardement a eu lieu «sans même le prétexte d'une présence ou d'un enjeu militaire», plus loin, qu'à la mi-mars «les peshmergas (alliés à l'armée iranienne, présente dans la région) étaient donc installés à Halabja», qu'aux premiers jours de mars «des combats féroces se déroulaient dans les environs», ensuite que, «s'attendant au pire (une offensive irakienne), les peshmergas de Halabja se retirèrent après avoir averti les 11 à 15.000 habitants de la ville qu'il valait mieux partir», et, enfin, que «Téhéran, contrôlait encore le secteur», puisque les Iraniens ont organisé après le bombardement, «une visite guidée pour la presse mondiale». Il semble ressortir de ce tissu de confusions que les combattants kurdes, agissant en avant-garde de l'armée iranienne, étaient en train de reculer sous la pression irakienne et que l'attaque aérienne de Halabja avait pour but de faire s'effondrer plus vite la résistance irano-kurde. Dès lors, dire qu'il n'y avait pas «d'enjeu militaire» relève de l'absurde, ou d'une propension cachée à vouloir faire passer un acte de guerre, certes déplorable puisqu'il a fait des morts civils, pour une agression sans motif contre des civils innocents, de nature génocidaire.

Kravetz rapporte les propos d'un témoin, le seul qu'il fasse parler. Celui-ci, un certain Kamal, raconte que 25 avions sont arrivés un peu avant le coucher du soleil. Ils volaient lentement et bas. «Quand ils sont arrivés sur Halabja, il y a eu des explosions et aussitôt une grande fumée s'est répandue.» Bombardement classique donc, car les gaz sont incolores et ne font pas de grande fumée. Ce qui rend les gaz terrifiants, c'est justement qu'on ne les voit pas. «J'ai couru vers la maison, tous les gens du village s'enfuyaient déjà. J'ai retrouvé ma mère et mes soeurs, nous sommes partis ensemble». Donc pas de gaz, puisqu'il peut revenir chez lui et repartir du village sans dommage. «Nous étions à peu près sur ce chemin, en bas du cimetière quand les bombes sont tombées aussi sur le village et puis j'ai vu une fumée grise et jaune qui descendait de la colline. Je courais, je croyais que les autres me suivaient. Il y a eu une forte explosion tout près, je suis tombé. Quand je me suis relevé, j'ai aperçu mes deux soeurs à une cinquantaine de mètres derrière moi. Elles étaient couchées sur le dos avec de petites gouttes de sang sorties de leur nez». Si Kamal a pu voir ce détail, il devait être à beaucoup moins de cinquante mètres. Si la bombe ou l'obus qui a tué ses soeurs avait libéré des gaz, il n'aurait pas survécu, étant dans un rayon aussi court. «Alors j'ai vu ma mère. Je ne l'aurais pas reconnue, je vous le jure, si elle n'avait pas été à côté de ma petite soeur. Elle n'avait plus de visage et tout son corps était comme du bois carbonisé. Je crois que c'était du napalm». Fin du témoignage.

 aucun moment, Kamal ne parle de gaz. Ce qu'il décrit ne correspond en rien à un gazage, mais bien plutôt à un bombardement classique. Le napalm, quant à lui, dégage une énorme fumée noire.

On ne conclura pas sur un témoignage unique. On notera quand même la «visite guidée pour la presse mondiale» qui a suivi, due à la diligence des Iraniens, très intéressés, évidemment, à noircir l'image de leur adversaire, et accessoirement, l'incompétence et la fainéantise de Kravetz. Pour nous, nous en retirons le sentiment qu'on ne sait pas ce qui s'est passé exactement à Halabja le 16 mars 1988, qu'il s'agissait à l'évidence d'une opération de guerre, et que l'utilisation faite de ce sinistre événement (il y a eu des morts, mais combien?), tant par les propagandes iranienne, occidentale, israélienne et kurde, que par Amnesty International est absolument dépourvue de sérieux. Nous n'excluons rien, mais dans l'état actuel du savoir réel que l'on peut en avoir, on peut dire que le mythe d'Halabja («Cinq mille civils gazés») dépasse de loin en importance ce qui s'est vraiment passé dans cette bourgade.

(fin de l'article)
Quelques années plus tard, au cours d'un entretien sur France Culture avec Armand Gatti, le malheureux Kravetz est revenu sur Halabja, pour raconter, cette fois-ci, l'histoire du juif de Halabja. Une histoire forcément exemplaire. Il était une fois un juif, qui vivait dans une bourgade kurde, loin de tout, à Halabja. Il servait un peu d'écrivain public à ses voisins. Et un jour il est mort. Gazé. Comme de bien entendu.

Apocryphe baratin, à l'évidence, puisque ne figurant pas dans le reportage d'époque. Histoire inventée sans doute pour faire pièce à Armand Gatti, prodigieux conteur. Comment naissent les légendes? par un désir de compétition entre deux hâbleurs. Et par la naïveté des auditeurs qui répètent ces billevesées à tout venant... Giono, orfèvre en la matière, nous a expliqué le mécanisme avec le cas de l'Odyssée...

Début 1998, on nous refait le coup. Sept ans après la guerre du Golfe, les obsédés sexuels qui règnent à Washington ont monté une opération pour rebombarder l'Irak sur la base de suppositions entièrement gratuites. On sait que des commissions de l'ONU ne cessent, depuis des années, de traquer le moindre document, le moindre élément qui a trait à des armements quelconques que posséderait l'Irak. Jamais aucun pays n'a été traité, à l'époque moderne, de façon aussi humiliante pour sa souveraineté nationale. Faute d'avoir osé occuper l'Irak avec leurs soldats, les Américains tâchent de l'occuper par une utilisation raisonnée des inspecteurs des Nations Unies, dont une bonne partie sont recrutés dans les rangs des services secrets américains. Il n'existe aucun élément concret sérieux qui permette de penser que l'Irak aurait conservé ne serait-ce qu'une fraction de son potentiel militaire des années 80. Tout fonctionne à peu près de la façon suivante:

Supposons que les Irakiens aient creusé en secret un immense trou sous la ville de Baghdad. Ils auraient pu dès lors entreposer quelques cuves de fermentation et ils auraient pu acheter des produits chimiques pour les détourner de leur fonction. Il se pourrait même qu'ils fabriquent en secret une énorme quantité de lance-pierre pour jeter sur leurs ennemis des seringues pleines d'anthrax et de rhume des foins, qui est un formidable incapacitant. Rien de tout cela n'est certain et on pourrait même dire qu'on ne possède pas le début du commencement d'une preuve. Mais cela rend justement la situation encore plus louche. Ce Saddam nous cache quelque chose.

Devant une telle situation, il n'est pas étonnant que revienne périodiquement la question du retour à la normale et de la fin des «sanctions» contre l'Irak. Tout aussi régulièrement reviennent dans la presse des résurgences de la question des gaz. Ainsi, Le Monde, le 25 juin 1998, titre: «L'Irak aurait maîtrisé les gaz de combat avant 1991». Le simple emploi du conditionnel dans un titre de ce genre trahit l'intoxe. La source est le Washington Post, connu comme un centre de production de fausses nouvelles dans lequel la grande presse ne s'abreuve qu'en cas de besoin pressant. D'après ce canard (23 juin), des inspecteurs des Nations Unies auraient trouvé des «quantités significatives» de VX «sur des fragments d'ogives». Comment des traces de gaz innervant, ce qu'est le VX, continueraient à adhérer à quoi que ce soit après des années, ne nous est pas révélé. Ce qu'est un «fragment» d'ogive comparé à un vieux bout de ferraille n'est pas non plus expliqué. C'est un laboratoire militaire américain qui aurait fait cette analyse!!! Comme le rappelle le journaliste du Monde, Jacques Isnard, c'est la première fois que Baghdad, si l'on en croit le Washington Post, «est suspecté d'avoir réussi à maîtriser un armement de ce type avant la guerre du Golfe. En 1990-1991, les experts occidentaux, et israéliens, avaient douté de la capacité des ingénieurs irakiens à aligner un arsenal chimique et biologique opérationnel, hormis des obus de 155 mm (550 ont été détruits par l'Unscom) et, peut-être des bombes d'avion baptisées R-400.» (Le Monde, 25 juin 1998). On ne pourrait confirmer plus clairement que les responsables politiques qui ont fait croire à l'opinion mondiale, et surtout israélienne, qu'une attaque chimique irakienne était possible et même imminente, se foutaient absolument de la gueule de tout le monde car ils savaient très bien qu'elle était impossible. Et je le savais aussi et je pouvais prendre le risque de l'écrire quelques heures après le déclenchement de l'offensive américaine sur Baghdad en sachant que je ne serai pas démenti par les événements. Et je ne l'ai pas été.

Eh bien! le journaliste Isnard, lui, a le culot d'ajouter ceci: «Le fait que Baghdad n'y ait pas recouru [aux armes chimiques et bactériologiques] durant la guerre du Golfe n'est pas nécessairement la preuve que cette analyse [que les Irakiens ne pouvaient pas équiper des fusées avec des charges chimiques] soit juste. En effet, l'Irak a utilisé des armes chimiques contre l'Iran, dans les années 80, et les Kurdes en 1987-88.» Il sait pourtant que ces armes étaient classiques (gaz moutarde) et lancées par des moyens conventionnels. Il mélange donc tout sciemment. Rien ne prouve en effet que des chaudrons de sorcière ne sont pas en train de mijoter à trois milles pieds sous Baghdad. Le fait qu'on ne les a jamais vus et qu'en revanche on a trouvé des restes de chiche-kebab à mille milles de là donnerait même à penser que leur existence, il y a dix ans, était très réelle... Voilà où en est le raisonnement de ces loquedus de la presse! Le niveau baisse.

Justement alarmés par ces rumeurs et ces inventions de la presse mondiale, des rabbins israéliens ont décidé de passer aux actes pour protéger leurs ouailles. Souffler dans les shofars ne leur a pas paru suffisant. Ils ont donc décidé, en quelque sorte, de repasser le film de Jéricho. Ils sont montés dans un avion qui a fait sept fois le tour d'Israël. En récitant des prières spéciales pour obtenir de YVHV la chute de Saddam Hussein.

Il ne semble pas qu'ils aient obtenu satisfaction.

Le gaz est comme un dieu, il peut tout puisqu'on ne le voit pas. C'est le professeur Faurisson et les lecteurs du Bulletin célinien qui ont déterré cette remarque de Céline, ami de Paraz et lecteur de Rassinier: La magique chambre à gaz! Voici un extrait d'une lettre à Paraz du 28 novembre 1950:

«Rassinier est certainement un honnête homme» [...] QUAND MÊME Il tend à faire douter de la magique chambre à gaz! ce n'est pas peu! Tout un monde de haine va être forcé de glapir à l'Iconoclaste! C'était tout la chambre à gaz! Ça permettait TOUT! Il faut que le diable trouve autre chose. Oh je suis bien tranquille!»

Ça permettait tout. Ça le permet encore.

Serge Thion

16 juillet 1998




ANNEXE N° 1:
document provenant des papiers officiels de Winston Churchill
PRIME MINISTER'S PERSONAL MINUTE
[stamp, pen] Serial No. D. 217/4
[Seal of Prime Minister]
10 Downing Street, Whitehall [gothic script]
GENERAL ISMAY FOR C.O.S. COMMITTEE [underlined]

1. I want you to think very seriously over this question of poison gas. I would not use it unless it could be shown either that (a) it was life or death for us, or (b) that it would shorten the war by a year.

2. It is absurd to consider morality on this topic when everybody used it in the last war without a word of complaint from the moralists or the Church.

On the other hand, in the last war bombing of open cities was regarded as forbidden. Now everybody does it as a matter of course. It is simply a question of fashion changing as she does between long and short skirts for women.

3. I want a cold-blooded calculation made as to how it would pay us to use poison gas, by which I mean principally mustard. We will want to gain more ground in Normandy so as not to be cooped up in a small area. We could probably deliver 20 tons to their 1 and for the sake of the 1 they would bring their bomber aircraft into the area against our superiority, thus paying a heavy toll.

4. Why have the Germans not used it? Not certainly out of moral scruples or affection for us. They have not used it because it does not pay them. The greatest temptation ever offered to them was the beaches of Normandy. This they could have drenched with gas greatly to the hindrance of the troops.

That they thought about it is certain and that they prepared against our use of gas is also certain. But the only reason they have not used it against us is that they fear the retaliation. What is to their detriment is to our advantage.

5. Although one sees how unpleasant it is to receive poison gas attacks, from which nearly everyone recovers, it is useless to protest that an equal amount of H. E. will not inflict greater casualties and sufferings on troops and civilians. One really must not be bound within silly conventions of the mind whether they be those that ruled in the last war or those in reverse which rule in this.

6. If the bombardment of London became a serious nuisance and great rockets with far-reaching and devastating effect fell on many centres of Government and labour, I should be prepared to do anything that would hit the enemy in a murderous place. I may certainly have to ask you to support me in using poison gas. We could drench the cities of the Ruhr and many other cities in Germany in such a way that most of the population would be requiring constant medical attention. We could stop all work at the flying bomb starting points. I do not see why we should have the disadvantages of being the gentleman while they have all the advantages of being the cad. There are times when this may be so but not now.

7. I quite agree that it may be several weeks or even months before I shall ask you to drench Germany with poison gas, and if we do it, let us do it one hundred per cent. In the meanwhile, I want the matter studied in cold blood by sensible people and not by that particular set of psalm-singing uniformed defeatists which one runs across now here now there. Pray address yourself to this. It is a big thing and can only be discarded for a big reason. I shall of course have to square Uncle Joe and the President; but you need not bring this into your calculations at the present time. Just try to find out what it is like on its merits.

Winston Churchill [initials]



Annexe Nº 2 Lettre de Ronald Reagan, Président des États-Unis à George Bush, Président du Sénat, le 8 février 1982:

DEAR MR. PRESIDENT,

AS YOU KNOW, THE AVOIDANCE OF CHEMICAL WARFARE HAS BEEN A STATED GOAL OF THE CIVILIZED WORLD THOUGHOUT THE CENTURY. THE UNITED STATES, IN SUPPORT OF THIS GOAL, IS COMMITTED TO THE POLICY OF «NO FIRST USE» OF LETHAL OR INCAPACITATING CHEMICAL WEAPONS AND TO THE OBJECTIVE OF BANNING SUCH WEAPONS.

CONSIDERING THE CURRENT WORLD SITUATION, PARTICULARLY THE ABSENCE OF A VERIFIABLE BAN ON PRODUCING AND STOCKPILING CHEMICAL WEAPONS, THE UNITED STATES MUST ALSO DETER CHEMICAL WARFARE BY DENYING A SIGNIFICANT MILITARY ADVANTAGE TO ANY POSSIBLE INITIATOR. SUCH A DETERRENCE REQUIRES MODERNIZATION OF OUR RETALIATORY CAPABILITY, AS WELL AS IMPROVEMENT OF OUR CHEMICAL WARFARE PROTECTIVE MEASURES. WE ALSO BELIEVE THIS STEP WILL PROVIDE STRONG LEVERAGE TOWARDS NEGOTIATING A VERIFIABLE AGREEMENT BANNING CHEMICAL WEAPONS. I THEREFORE CERTIFY, IN ACCORDANCE WITH SECTION 818 OF THE DEPARTMENT OF DEFENSE APPROPRIATION AUTHORIZATION ACT, 1976 (50 U.S.C. 1519), THAT THE PRODUCTION OF LETHAL BINARY CHEMICAL MUNITIONS IS ESSENTIAL TO THE NATIONAL INTEREST.

A FULL REPORT SUPPORTING THIS CERTIFICATION IS BEING PROVIDED BY THE SECRETARY OF DEFENSE.

SINCERELY,

Ronald Reagan


Sources












1. 1_1.

París, 16 de julio de 1998. Distribuido en el Internet por <tempus@flash.net>.

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Lorenzo Peña
eroj@eroj.org
Director de ESPAÑA ROJA

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